Traversée (jour 2)

2 juin 2015

Un espadon au menu

Notre deuxième journée en mer a été encore passée au près serré et/ou à tricoter pour trouver du vent. On a utilisé le moteur pendant 13h pour éviter que la vitesse passe sous la barre des 5.0 noeuds. Le confort à bord est encore passable et nous avons encore deux jours à endurer cette allure inconfortable. Au moins, depuis ce matin, le vent nous donne un léger répit: il a changé de direction ce qui nous permet de prendre de la vitesse. Nous avons flirté avec 9.2 noeuds avec le code 0 et 16 noeuds de vent.
Hier toute la journée, la surface de la mer était clairsemé d’algues qu’on appelle les sargasses. Chacune de nos tentatives de pêche se sont soldé par un hameçon plein de gazon. J’ai donc rangé le gréement de pêche et déclaré forfait pour la journée… Une heure plus tard, un peu avant le coucher du soleil, Serge va en arrière du bateau et remarque mon leurre qui effleure la surface de l’eau au gré des vagues. La canne à pêche est normalement rangée dans son socle, mais au lieu d’enlever mon leurre, je l’ai laissé en place et pendouillant à 3-4′ du bateau. Une pensée effleure son esprit: et si un poisson sautait sur le leurre pendant la nuit?

 

À peine eu-t’il détourné son attention et son regard sur d’autres choses, qu’un mouvement attire son attention à l’arrière du bateau. Un espadon en dehors de l’eau! Il le revoit sauter une deuxième fois et l’alerte générale est sonné à bord! Je bondi dehors et à temps pour voir le 3e saut de notre prise. Wow! Le moulinet se déroule à une cadence effrénée. C’est un nouvel achat et je ne suis pas très familier. Après avoir tenté en vain de ralentir la cadence du poisson en mettant le frein au maximum, Serge me dit qu’il existe surement autre chose. Je me souviens alors d’un autre réglage que le vendeur m’a montré et après quelques tentatives à la limite des mes forces, le moulinet ralenti et en vient à arrêter.
Maintenant que la proie est ferrée et que la canne est stabilisée, nous devons ralentir le bateau au maximum. On rentre le génois et change un peu le cap du bateau pour avancer que très légèrement. Maintenant il faut penser à montrer cette prise à bord. Serge l’estime à 4′ de long et on sait que ce sera tout un défi. La priorité est de changer la canne d’endroit, pour me permettre de rapprocher le poisson du bateau, mais sans lui donner l’opportunité de se décrocher en allant sous le bateau. J’ai aussi perdu des dorades en leur permettant de toucher le bateau, alors c’est aussi un truc qu’on doit éviter. Serge se positionne avec le harpon pour agripper le poisson par les branchies, Carl avec la ligne dans les mains pour l’assister à le remonter à bord. Tout est paré pour l’instant fatidique.
Maintenant, on distingue bien notre proie des abysses. Aïe, c’est gros, très gros! Tout le monde à son poste, prêt pour la manœuvre de récupération. Serge ne réussi pas immédiatement à attraper les branchies, mais y parvient à la 4e tentative. De mon côté, j’ai fait tout ce que je pouvais et c’est maintenant à Carl de jouer. Il tire sur la ligne et le nez de l’espadon touche la plage arrière. “Vite, faut le traîner à bord!” criais-je. En moins de deux, voici notre prise allongée dans le cockpit. En fait, il l’occupe presque complètement! Serge avait apporté le rhum et je lui en sers copieusement dans les branchies. Aussitôt, notre prise se détend…

 

Les expressions de Carl resteront à jamais gravé dans ma mémoire. “C’est GROS!!!” qu’il répétait avec mélange d’étonnement et de surprise. Non seulement ill était FORT impressionné par la taille de cette prise mais il réalisait les répercussions: allait-t’on le remettre à l’eau?, pourquoi tuer une si belle bête? as-t’on vraiment besoin de toute cette viande? L’espadon à ce moment frémissait avec son dernier soupir. Il était trop tard pour nous convaincre de le remettre à l’eau… Et le porc qu’il venait de préparer pour le souper, lui aussi avait sacrifié sa vie pour nous permettre de manger. Aujourd’hui dans notre société moderne, on achète des morceaux à l’épicerie sans vraiment voir la bête qui a été sacrifié pour nous. Carl avait bien été à la pêche au crapet-soleil dans sa tendre enfance, mais il était frappé de plein fouet par cette réalité. Pour nous alimenter à bord, il faut tuer, dépecer, et fileter. Le résultat est comme si on prenait un emballage à l’épicerie, mais ici on voit toutes les étapes du processus et nous prenons plus conscience de notre empreinte environnementale.
Après avoir soulevé la bête qui finalement faisait la même taille que Carl (6′ 2″ de la queue au bout du museau) pour quelques photos qui prouvent notre exploit, la tâche de la préparation des filets a commencé. On a eu droit à un moment hilarant, quand Carl s’est approché la main de la bouche de l’espadon après que j’eu fileté un des côté. Il faillait retourner la carcasse pour que je puisse faire l’autre côté. Tout à coup, il a réalisé que sa main était pourrait être mordu et il a eu un mouvement réflexe de l’enlever rapidement. Je lui ai dit: “Euh, je pense qu’il est bien VRAIMENT mort et qu’il ne te mordra pas à ce point-ci…” On a bien rigolé!

Le souper de Carl (porc aux pommes) était un régal, de même que le diner que Serge nous a concocté avec les meilleurs filets de l’espadon (espadon cru au lait de coco, façon Tahitienne).
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Ce matin, nous avons vu des dauphins pour la première fois du voyage, mais ils ont préféré ne pas venir jouer à côté de l’étrave.

Au moment d’écrire ces lignes, nous venons de croiser un autre voilier à moins de 2 miles nautiques. Son cap est différent du notre, mais notre destination est fort probablement la même. Notre choix de route est de rester le plus au sud possible pour nous écarter d’une dépression qui apportera du mauvais temps près de notre route.

 

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Atelier d’épissure à bord pour réparer une écoute cassée

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Carl donne un coup de main au moulinet pour remonter l’espadon à bord

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La bête! Ce sera notre seule prise du voyage.

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