Ce qui suit est un texte rédigé le 8 novembre 2016, alors que j’étais dans l’avion entre Montréal et les îles Canaries. J’allais retrouver Jayana pour effectuer la traversée de l’Atlantique.
Vous savez qu’est-ce qui m’a tenu éveillé la nuit pendant ces derniers jours? Un petit projet que je caressais depuis longtemps, très longtemps. Et bien, j’ai savouré ma victoire vers 3am le jour de mon anniversaire car après plusieurs années à en avoir rêvé, j’ai finalement réussi à bricoler un bidule électrique que j’ai longuement désiré. Il me reste à l’installer sur Jayana, mais cette opération ne prendra que (j’espère!) quelques minutes. Toute cette aventure prend sa source le premier jour où j’ai habité à bord de Jayana, il y a 5 ans…
Le bateau vient d’être mis à l’eau à West Palm Beach, en Floride. Après une journée de dur labeur à ajouter des équipements pour le voyage inaugural de Jayana, je savoure ma première soirée à bord. J’en profite pour aller prendre une douche bien chaude, un grand luxe sur un bateau. Certains d’entre-vous le savent, dans une douche marine, l’eau ne peut s’évacuer par gravité car le fond de la douche est plus bas que la ligne de flottaison. Il y a donc, à bord de tous les bateaux, une pompe qui permet de drainer l’eau de la douche vers l’extérieur. Chaque constructeur apporte une solution différente à ce problème et j’ai eu une mauvaise surprise concernant celle retenue par Beneteau.
Dans la douche de Jayana, il y a un bouton noir à presser pour actionner la pompe. En fait, le terme bouton est vraiment généreux: c’est plutôt un capuchon de caoutchouc mou, qui, en se déformant sous le doigt, nous permet d’atteindre le point où l’interrupteur actionne la pompe. Je ne savais même pas qu’on fabriquait encore ce genre de bouton cheap et kétaine, qui semble droit sorti des composantes électro-mécaniques des années ’60s. J’ai honte à chaque fois que je l’actionne car il détonne par rapport à tout le reste du bateau, où tout est technologique et contemporain. Je peux vous avouer que, de toutes les pièces de mon bateau, c’est de loin celle que je déteste le plus!
Et que dire de son utilité… L’interrupteur est couplé avec un relais qui fait fonctionner la pompe pendant 20 secondes. On appuie sur le bouton et hop, 20 secondes de pompage. À toutes les 20 secondes, il faut appuyer à nouveau. Encore et encore et encore: pendant qu’on a du shampoing dans les yeux, pendant qu’on a les mains pleines de savon, etc. Une vraie merde!
En septembre 2014, j’ai décidé que j’en avais assez. J’ai remplacé l’interrupteur par un autre de meilleure qualité et ajouté sur la plomberie un appareil qui permet de mesurer le débit d’eau qui passe dans le tuyau. Par manque de temps, je n’ai pas pu aller plus loin dans ce projet. J’ai donc remis ce projet à plus tard en apportant une valise remplie de composantes électronique dont: un Arduino(1) et un Raspberry Pi(2). Deux ans plus tard, je dois constater que je n’ai jamais eu le temps nécessaire pour m’investir dans ce projet. Comble de malheur, mon bel interrupteur de remplacement a fait défaut et j’ai dû, à contre-coeur, remettre l’ancien truc mou et caoutchouteux.
Je suis revenu au Québec il y a 3 semaines avec une mission: compléter ce projet, coûte que coûte. Si ce n’est que pour en profiter pour les derniers 6 mois de notre voyage! À coup de quelques heures par jour, j’ai appris à installer et configurer un Raspberry Pi (oui, je sais, c’est un overkill, mais bon, tout est un prétexte à pousser ses connaissances). Je me suis remis dans la programmation (Python). J’ai créé un circuit électronique pour intégrer les différentes composantes et appris à faire fonctionner un micro-écran tactile avec une interface graphique. Tous ces efforts m’ont permis, la veille du retour du Jayana, de me déclarer très satisfait du fruit de mes efforts! Je vais éliminer toutes mes frustrations envers la douche en un seul coup! Sans plus tarder, je vous présente mon dernier-né!
Dans ma recherche de la situation idéale, j’ai voulu éliminer le besoin d’avoir un bouton. Pour y arriver, je devais savoir si le robinet de la douche était ouvert ou non. Avec quelques recherches, je suis tombé sur un détecteur de débit d’eau qui, en prime, permet de compter la quantité de liquide qui passe dans le tuyau. Seulement avec ce détecteur, je pouvais savoir quand partir la pompe et pendant combien de temps. En enlevant l’interrupteur existant, il y a un trou dans la douche que je dois colmater. J’ai décidé de simplement remplacer le bouton par un autre, qui ressemble plus à un bijou qu’à un bouton.
La logique devait être entrée dans un micro-ordinateur pour le contrôle de la pompe. J’avais deux choix qui s’offraient à moi: Arduino ou Raspberry Pi. Finalement, j’ai opté pour le 2e choix, simplement parce que j’en avais un sous la main avec un écran tactile. En cours de développement, j’ai ajouté certaines fonctionnalisés, comme re-démarrer la pompe automatiquement après 2 minutes pour évacuer l’eau qui s’écoule des murs.
Je conserve la quantité d’eau utilisée pour chaque douche et cette valeur est consignée dans un chiffrier pour sensibiliser l’utilisateur à réduire sa consommation. L’interrupteur sert uniquement à forcer le fonctionnement de la pompe en cas de défaillance du Raspberry. Autrement, tout est complètement automatique!
Finalement, l’interrupteur est tout simplement magnifique. Il est tout en métal, à l’épreuve de l’eau et avec un LED circulaire bleu. Mais le plus magique, c’est que j’ai réussi à le rendre caduque… Maintenant vous savez pourquoi, à tous les jours au moment de prendre ma douche, je ressens un sentiment de fierté et d’accomplissement qui contribue à augmenter mon bonheur quotidien.
Et oui, je réalise qu’il y a un peu de folie là-dedans…
(1) Arduino: petit contrôleur électronique à faible coût (~10$) et très versatile. Employé pour faire bien des projets électronique
(2) Raspberry Pi: L’ordinateur complet le moins coûteux (40$) et dans un très petit format. Il ne consomme que 0.2A, ce qui est négligeable dans le bilan énergétique de Jayana…
Consommation d’eau en traversée
(pour la douche d’un membre d’équipage, en L)
1 Commentaires
Commentaire par Ladouceur
Ladouceur 3 avril 2017 at 10:03 am
Bravo Sylvain ! J’admire ce comportement qui cherche à toujours trouver la solution la plus opérationnelle et la plus avancée. Ce n’est qu’un exemple parmi bien d’autres de ton niveau de créativité. Toute mon affection !
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